Le 9 octobre 2023, le Cameroun et le Sénégal s’affronteront dans un match amical de football à Lens, en France. Un choix qui n’a pas plu au journaliste sportif Martin Camus Mimb, qui a exprimé son regret sur les réseaux sociaux. Selon lui, ce match aurait dû se jouer en Afrique, pour respecter l’esprit panafricain et la libération du continent de la domination coloniale. Il pense que les pays africains ont les moyens d’organiser des événements sportifs de haut niveau et d’en tirer des bénéfices économiques et d’image. Il cite l’exemple du Qatar et de l’Arabie Saoudite qui ont investi dans le football pour des raisons politiques. Il s’étonne que le Sénégal délaisse son nouveau stade Abdoulaye Wade, inauguré en 2022, pour aller jouer à Lens. Il suggère que le Cameroun aurait pu accueillir le match dans l’un de ses stades modernes, comme Japoma ou Kouekong, qui nécessitent un entretien régulier.
Dans cet article, nous allons analyser les arguments de Martin Camus Mimb et voir pourquoi il a raison de déplorer ce choix.
L’esprit panafricain bafoué
Le panafricanisme est un mouvement politique et culturel qui vise à renforcer l’unité et la solidarité entre les peuples africains. Il est né au début du XXe siècle, en réaction au colonialisme et à l’esclavage. Il a connu un regain d’intérêt après les indépendances des pays africains, dans les années 1960 et 1970. Il se manifeste notamment par la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), en 1963, qui deviendra l’Union africaine (UA), en 2002.
Le football est un vecteur important du panafricanisme, car il permet de créer des liens entre les nations africaines et de valoriser leur identité culturelle. C’est pourquoi il existe des compétitions continentales, comme la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui rassemblent les meilleures équipes africaines tous les deux ans. C’est aussi pourquoi il existe des clubs panafricains, comme le TP Mazembe ou l’ASEC Mimosas, qui recrutent des joueurs de différents pays africains.
En choisissant de jouer leur match amical en France, le Cameroun et le Sénégal ont manqué une occasion de renforcer leur fraternité panafricaine. Ils ont aussi privé leurs supporters africains de la possibilité de les voir évoluer sur leur sol. Ils ont ainsi donné l’impression de se soumettre aux intérêts des puissances occidentales, qui cherchent à contrôler le football africain à travers la Fédération internationale de football association (FIFA) ou la Confédération africaine de football (CAF).
La libération du continent remise en cause
Le choix du Cameroun et du Sénégal de jouer leur match amical en France est aussi contraire à l’idéal de libération du continent africain. En effet, la France a été l’ancienne puissance coloniale de ces deux pays, qu’elle a exploités pendant des décennies. Elle a aussi soutenu des régimes autoritaires et corrompus dans ces pays, au détriment du développement démocratique et économique. Elle a aussi pillé les ressources naturelles et humaines de ces pays, en imposant des accords commerciaux inégaux ou en favorisant l’émigration forcée ou clandestine.
En acceptant de jouer leur match amical en France, le Cameroun et le Sénégal ont fait preuve d’une certaine ingratitude envers leur histoire et leur peuple. Ils ont aussi renforcé la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’Occident, qui profite du football pour maintenir son influence politique et culturelle sur le continent. Ils ont ainsi contribué à perpétuer le néocolonialisme, qui est une forme subtile de domination qui passe par la manipulation économique, médiatique ou idéologique.
Les moyens d’organiser des événements sportifs de haut niveau
Martin Camus Mimb affirme que les pays africains ont les moyens d’organiser des événements sportifs de haut niveau et d’en tirer des bénéfices économiques et d’image. Il a raison, car l’Afrique dispose de plusieurs atouts pour accueillir des compétitions internationales de football.
Tout d’abord, l’Afrique dispose d’une population jeune et passionnée de football, qui représente un marché potentiel important pour les sponsors, les diffuseurs et les organisateurs. Selon la Banque mondiale, l’Afrique comptait 1,3 milliard d’habitants en 2020, dont 60% avaient moins de 25 ans. Selon la FIFA, l’Afrique comptait 211 millions de pratiquants de football en 2019, soit 16% du total mondial.
Ensuite, l’Afrique dispose de plusieurs infrastructures sportives modernes, qui peuvent accueillir des matchs de haut niveau. Ces infrastructures ont été construites ou rénovées à l’occasion de la CAN ou de la Coupe du monde, qui ont eu lieu respectivement en 2019 et en 2010 en Afrique. Par exemple, le Cameroun dispose du stade Japoma à Douala, qui peut contenir 50 000 spectateurs, ou du stade Kouekong à Bafoussam, qui peut en contenir 20 000. Le Sénégal dispose du stade Abdoulaye Wade à Diamniadio, qui peut en contenir 50 000 également.
Enfin, l’Afrique dispose d’un potentiel touristique et culturel, qui peut attirer des visiteurs étrangers et valoriser son image. L’Afrique offre une diversité de paysages, de climats, de faune et de flore, qui peuvent séduire les amateurs de nature et d’aventure. L’Afrique offre aussi une richesse de traditions, de langues, de musiques et de gastronomies, qui peuvent éveiller la curiosité et le respect des amateurs de culture et d’histoire.