Depuis plusieurs mois, le Niger est secoué par des manifestations populaires contre la présence militaire française sur son sol. Les Nigériens dénoncent l’inefficacité de l’opération Barkhane, lancée en 2014 pour lutter contre les groupes jihadistes au Sahel, et accusent la France de violer leur souveraineté nationale.
Quelles sont les origines de ce mécontentement ? Quelles sont les conséquences pour la stabilité du Niger et de la région ? Quelles sont les alternatives possibles à la coopération sécuritaire franco-nigérienne ? Voici quelques éléments de réponse pour mieux comprendre cette crise.
Un sentiment d’humiliation et d’ingérence
Les Nigériens reprochent à la France de ne pas respecter leur volonté politique et de s’immiscer dans leurs affaires internes. Ils citent notamment l’exemple du coup d’État de février 2010, qui a renversé le président Mamadou Tandja, accusé de vouloir se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat. Selon eux, la France aurait soutenu les putschistes et aurait influencé le processus électoral qui a suivi.
Ils évoquent également le rôle de la France dans la gestion de la crise libyenne, qui a entraîné un afflux d’armes et de combattants dans le nord du Niger, favorisant l’émergence de groupes armés. Ils estiment que la France n’a pas suffisamment aidé le Niger à faire face à cette menace et qu’elle a privilégié ses intérêts économiques, notamment dans l’exploitation de l’uranium.
Ils dénoncent enfin le manque de transparence et de concertation autour de l’opération Barkhane, qui mobilise environ 5 000 soldats français dans cinq pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie). Ils affirment que la France impose ses décisions sans tenir compte de l’avis des autorités et des populations locales, et qu’elle ne partage pas les informations sur ses actions et ses résultats.
Une efficacité contestée et un coût humain élevé
Les Nigériens remettent en cause l’efficacité de l’opération Barkhane, qui n’a pas réussi à endiguer la progression des groupes jihadistes au Sahel. Ils constatent que les attaques se sont multipliées ces dernières années, touchant aussi bien les forces armées que les civils. Ils soulignent que le Niger est le pays le plus touché par le terrorisme dans la région, avec plus de 300 morts en 2020.
Ils déplorent également le coût humain élevé de la présence militaire française, qui a causé plusieurs victimes civiles lors d’opérations ou d’accidents. Ils citent notamment le cas du bombardement de Bounti, au Mali, en janvier 2021, qui aurait fait 19 morts parmi des civils lors d’un mariage, selon une enquête de l’ONU. La France a rejeté ces accusations, affirmant avoir visé un rassemblement de jihadistes.
Ils expriment enfin leur solidarité avec les autres peuples du Sahel, qui subissent également les conséquences de l’intervention française. Ils se disent solidaires des Maliens, qui ont manifesté massivement contre la présence française en 2020, avant le coup d’État qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta. Ils se disent également solidaires des Burkinabés, qui ont connu une recrudescence des violences depuis l’arrivée des forces françaises dans leur pays.
Des alternatives possibles à la coopération sécuritaire franco-nigérienne
Face à cette situation, les Nigériens appellent au départ immédiat de l’armée française du Niger et du Sahel. Ils réclament que le Niger reprenne en main sa sécurité et sa défense nationale, en renforçant ses capacités militaires et en développant une stratégie propre à son contexte. Ils demandent également que le Niger renforce sa coopération régionale avec ses voisins du Sahel, notamment au sein du G5 Sahel, une organisation qui regroupe cinq pays de la région (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie).
Ils proposent en outre que le Niger diversifie ses partenaires internationaux, en s’ouvrant à d’autres acteurs, comme la Russie, la Chine ou les États-Unis, qui pourraient lui apporter un soutien technique, financier ou logistique. Ils suggèrent également que le Niger privilégie le dialogue et la négociation avec les groupes armés, plutôt que la confrontation militaire, afin de trouver des solutions politiques durables à la crise.
En conclusion
Les Nigériens expriment leur ras-le-bol face à la présence militaire française sur leur territoire, qu’ils jugent humiliante, inefficace et coûteuse. Ils revendiquent leur souveraineté nationale et leur droit à décider de leur avenir. Ils appellent à une révision profonde de la coopération sécuritaire franco-nigérienne, qui doit être basée sur le respect mutuel, la transparence et la concertation.